L’éthologie et son adjectif dérivé éthologique sont des termes qui fait beaucoup parler en ce moment, mais qui ne sont pas toujours bien compris. A vrai dire, nombreux sont ceux qui confondent l’éthologie équine, qui est une discipline scientifique, avec l’équitation éthologique, qui est une méthode d’éducation et de dressage des chevaux particulière, une façon de “travailler” le cheval. Alors qu’est-ce que l’éthologie équine ? Et qu’est-ce que l’équitation éthologique ? Nous vous donnerons des explications additionnelles, plus pratiques sur l’équitation éthologique, ainsi que quelques cas d’applications dans le monde équin. Nous vous souhaitons une très bonne lecture !


Qu’est-ce que l’éthologie équine ?

L’éthologie, c’est la science qui étudie le comportement de l’animal dans son milieu naturel. Il s’agit une discipline scientifique, et non d’une méthode de dressage ! En effet, nombreux sont ceux qui mélangent l’éthologie équine avec l’équitation éthologique… Or il ne s’agit pas de la même chose, ce sont deux disciplines bien distinctes : l’une relève de la science, et l’autre est une méthode spécifique pour dresser les chevaux. L’éthologie s’intéresse également aux interactions entre l’animal et l’homme. L’éthologie équine est donc la branche de l’éthologie qui étudie le comportement des chevaux dans leurs conditions de vie.

Étonnamment, les recherches d’éthologie ont commencé par des études d’animaux sauvages, et ce n’est que dans les années 70 que les éthologues se sont intéressés aux chevaux. Ils ont commencé par l’étude des chevaux sauvages, puis à partir des années 80 ont investigué autour des chevaux domestiques.

Les 4 grandes questions de Tibergen

L’éthologie est structurée autour de 4 grandes questions, qui ont été formulées en 1963 par Nikolaas Tinbergen (connu comme le théoricien de l’instinct ainsi que de l’éthologie classique, discipline qu’il fonda avec dans les années 1930 avec Konrad Lorenz) :

  • Quels sont les facteurs qui déclenchent un tel comportement ? On y distingue des facteurs internes (liés à une modification de l’organisme) et des facteurs externes (liés à une modification du milieu).
  • À quoi sert ce comportement ? Et en particulier, quelle est sa valeur pour la survie de l’animal ?
  • Comment ce comportement est-il apparu au cours de la vie de l’animal ?
  • Comment est-il apparu au cours de l’évolution de l’espèce ?

Ces quatre questions mettent en avant la nécessité de réfléchir sur le comportement à différents niveaux : sur le registre de l’instant, mais aussi de l’individu, de son développement, et à l’échelle de l’espèce. Nikolaas Tibergen avait développé une expertise forte autour du comportement des animaux sauvages, en particulier des oiseaux, mais aussi des insectes ou encore des poissons.

La démarche de l’éthologue

L’éthologue est un scientifique, et à ce titre va définir sa problématique avant de débuter son expérimentation, en prenant référence sur d’autres publications scientifiques de ses pairs.

Il va formuler des hypothèses et créer un protocole expérimental. Après une observation scientifique rigoureuse, il étudiera ses résultats en se basant sur ses données et des statistiques. En fin de processus, il pourra tirer une conclusion de son expérimentation. D’autres éthologues critiqueront ou valideront sa publication avant une publication. Une application pratique pourra ensuite éventuellement avoir lieu, après confrontation et compilation avec les résultats d’autres études.

Ces chercheurs travaillent généralement dans une équipe de recherche au sein d’une université, de l’INRA, du CNRS.

 


Qu’est-ce que l’équitation éthologique ?

L’équitation éthologique est un peu différente de l’équitation classique, car basée sur l’étude et la compréhension du comportement et de la psychologie du cheval. C’est une méthode d’éducation, une façon d’apprendre au cheval et de l’éduquer avec en toile de fond l’idée d’une meilleure compréhension et d’une meilleure relation mutuelle.

Dans le dressage traditionnel, on utilise beaucoup la contrainte du cheval, parfois même avec une certaine violence pour arriver à ses fins. L’approche éthologique de l’équitation s’y oppose fondamentalement : elle prend en compte à part entière la nature du cheval, dans son concept. Cela demande du temps au début, mais finalement c’est pour mieux en gagner par la suite. Pour ce faire, il faudra que votre cheval, et vous-même, compreniez bien ce mécanisme d’apprentissage, jusqu’à ce qu’il devienne “naturel”.

Certains représentants de l’équitation éthologique revendiquent l’héritage des indiens d’Amérique : une certaine éthique, l’absence de violence, de soumission, et surtout une harmonie dans le couple cavalier et sa monture. Bref une équitation naturelle, où l’on est proche du cheval, et où on ne cherche pas à l’utiliser.

Principe de l’équitation éthologique

Pour résumer le principe, on pourrait dire que l’on apprend à “penser et parler cheval”. Il s’agit d’essayer de se mettre à la place du cheval, dans sa peau, dans son intérieur, pour le comprendre, comprendre son monde, et pouvoir l’aborder comme un semblable. A une différence près : on rentre en contact avec lui en position de leader. Pas dans la domination, mais dans une relation où le cavalier rassure et inspire confiance. Ainsi le cheval, mis en confiance, obéira plus facilement.

L’équitation éthologique est vraiment basée sur la confiance et le respect mutuel. On essaie de comprendre comment le cheval apprend, comment on peut décomposer ses apprentissages. Un objectif est de lui rendre le processus d’apprentissage le plus simple et le plus clair possible, et tout cela avec le moins de résistance possible.

Le cheval étant une proie dans le monde animal, il réagit en faisant un écart ou se mettant à courir, lorsqu’il a peur dans la nature. À l’inverse, dressé en équitation éthologique, il fera confiance à son cavalier, et sera donc plus doux et moins imprévisible dans ses réactions.

Un travail au sol avant de monter le cheval

Contrairement à l’équitation classique où l’on fait immédiatement monter le novice sur le cheval, en équitation éthologique, il effectuera d’abord un travail au sol avec le cheval. Il s’agira de comprendre le comportement du cheval, de le toucher, d’être en contact et en relation avec lui avant de le monter. Certains gestes ont une signification particulière : l’un d’eux pourra signifier au cheval de venir vers vous. Par la suite, mis en liberté, il pourra vous comprendre et venir vers vous en toute confiance. On peut parler d’un véritable échange entre le cavalier et son cheval, profondément basé sur la confiance.

Le moins de contraintes possibles

Les adeptes de l’équitation éthologique n’aiment pas les filets, les mords et autres enrênements… En équitation éthologique, le cavalier a bien souvent un simple licol, et monte parfois à cru. Cette approche fait le choix d’une équitation respectueuse du cheval, réduisant au maximum les contraintes (pas de fouet bien entendu).

Certains éducateurs de chevaux spécialisés en éthologie équine utilisent un “stick”, une sorte de longue tige, qui représente en définitive le prolongement de la main, pour donner les indications au cheval.


L’équitation éthologique en pratique

Mettre en place des codes avec le cheval

Un cheval n’a pas demandé à vivre dans le monde de l’homme, et il y a plein de choses dans cet environnement qui ne sont pas naturelles pour lui. Ainsi dans l’équitation éthologique, on va essayer de se comprendre mutuellement. Il s’agit d’un dialogue, d’une relation bi-directionnelle : d’une part, le cavalier essaie de comprendre les codes du cheval, et de l’autre côté, on va apprendre au cheval à comprendre les codes de l’homme. Cela signifie qu’il va falloir poser ces codes, ces moyens de communiquer l’un avec l’autre, et prendre le temps de les expliquer au cheval pour qu’il les intègre. Par exemple, mettre la main à tel endroit du corps du cheval sera le signe pour le faire tourner à droite. Et tel mouvement des jambes signifiera qu’il doit aller en avant. Il faudra rester constant dans l’utilisation de ces codes pour que cela soit et reste clair pour le cheval.

L’éthologie permet ce miracle de mieux comprendre le cheval, et est un outil extraordinaire pour apprendre à lui apprendre.

Une succession d’exercices

Concrètement, le cavalier va enchaîner différents exercices avec son cheval. Il s’agit ici d’établir une confiance et un respect entre eux deux.

Apprendre au cheval à être concentré sur son cavalier

Cela peut commencer en apprenant au cheval à être concentré sur la personne en face de lui, et non sur son environnement extérieur. Ainsi dans un travail au sol, si le cheval commence à être distrait et à regarder à droite ou à gauche, l’éducateur spécialisé en éthologie pourra “mettre la pression” sur ses postérieurs, pour faire bouger le cheval à droite ou à gauche. Ainsi il restera par ce mouvement concentré sur le cavalier, et non sur l’extérieur. Ces exercices dynamiques servent à capter son attention quand il se déconcentre.

Lui apprendre à avoir confiance en son cavalier

Apprendre la confiance au cheval est essentiel : les chevaux sont, comme nous l’avons évoqué précédemment, des proies dans leur environnement, et ont le réflexe de fuir s’ils perçoivent un danger. Il va donc falloir lui apprendre à ne pas fuir (et qu’il n’a pas besoin de fuir), mais à arrêter ses pieds si un imprévu arrive, tout en restant en contact avec son cavalier pour se rassurer. Un exercice-type pour travailler la confiance cavalier/cheval consistera à toucher le corps du cheval avec un stick : s’il réagit et bouge, l’éducateur continuera à déplacer le stick sur son corps jusqu’à ce qu’il arrête de bouger ses pieds.

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Applications de l’éthologie équine

Cas des trotteurs

Certains spécialistes en éthologie équine aident les trotteurs de courses à se reconvertir en chevaux d’équitation en centres équestres, leur évitant ainsi la triste issue de la boucherie... Mais la conversion d’un trotteur en cheval de selle est compliquée.

La problématique

La position de tête des trotteurs, très haute lorsqu’ils trottent, pose problème car ce n’est pas une position naturelle. De plus, pendant les courses, ils ont des bouchons dans les oreilles, que le cavalier va enlever en tirant d’un coup sec : ce changement auditif brusque va actionner leur instinct de fuite, et faire que le cheval accélère. Les cavaliers utilisent en effet souvent ce stratagème peu respectueux du cheval dans les 200 derniers mètres de la course, ou lorsque le cheval n’avance plus.

Le fait de leur retirer les bouchons des oreilles leur enlève la sensation protectrice d’être dans une bulle. En leur enlevant ces accessoires en permanence, il va falloir que le cheval s’habitue au bruit extérieur. De même, si les trotteurs ont des oeillères, c’est pour qu’ils demeurent au trot tout le long du parcours, et ne sortent pas de cette “bulle”. Afin d’effectuer leur transformation de cheval de course trotteur en cheval de loisir, il va falloir les débourrer.

La rééducation par le spécialiste en équitation éthologique

L’éducateur spécialisé en équitation éthologique va enlever l’équipement antérieur, et et mettre seulement un licol. Avec celui-ci, il va apprendre au cheval à céder à la pression vers le bas. Le but est de le faire passer d’une position tête vers le haut à une position tête baissée qui lui soit confortable, et dans laquelle il peut rester en toute confiance, même quand on lui met la main sur la tête. Le travail de l’éducateur consistera à faire comprendre et accepter au cheval que lorsqu’on lui touche la tête, ce n’est plus pour la relever ou lui déboucher les oreilles, mais que cela peut être un geste agréable qui lui apporte une sensation de confort.

Un cheval de course peut donc être rééduqué pour la selle ; l’équitation éthologique est une des solutions pour y parvenir.

Les chuchoteurs

Le terme de chuchoteurs est devenu célèbre avec le film “L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux” de (et avec) Robert Redford. En réalité, ce “chuchoteur” à l’oreille des chevaux n’était pas américain mais irlandais et s’appelait Daniel Sullivan. Il exerçait en Angleterre au XIXe siècle, et était connu pour débloquer des situations problématiques avec des chevaux réputés indomptables. Son nom de “horse whisperer” vient du fait que lorsqu’il entrait dans les boxes de ces chevaux terribles, souvent traumatisés ou maltraités, on n’entendait rien depuis l’extérieur de ce qu’il faisait. Et lorsqu’il ressortait après plusieurs heures d’intervention, les gens l’ayant vu à l’oeuvre pensaient qu’il ne faisait rien d’autre que de parler calmement à l’oreille des chevaux, en chuchotant. Sa réputation est venue de là, et il est considéré comme l’ancêtre des éducateurs ou re-éducateurs de chevaux, les chuchoteurs.