Le sevrage est une étape cruciale dans la vie d'un cheval. En effet, à la fin de la saison de pâturage, les juments et leurs poulains sont séparés.

Pour la jument, mais avant tout pour le poulain, cette séparation est associée à un stress extrême. Le sevrage, généralement brutal, est un événement traumatisant pour les poulains, pouvant engendrer difficultés et troubles du comportement… Or il y a certaines façons de faire qui réduisent considérablement le stress, et les conséquences pour le jeune cheval en devenir.

Alors comment se déroule le sevrage du poulain et quelles sont ses répercussions ? Et à l’état sauvage, comment se passe le sevrage “naturel” ? Quand et comment sevrer son animal ? Y a-t-il des alternatives au sevrage abrupt ? Et du point de vue de l’alimentation, que faut-il savoir ?


 

Qu’est-ce que le sevrage et quelles sont ses répercussions ?

Dans de nombreux élevages de chevaux, il est courant de séparer le poulain de sa mère dès l'âge de 6 mois, et parfois même plus tôt. En règle générale, les animaux ne sont pas préparés à cette séparation.

Or la séparation avec la mère est un moment très important dans la vie d'un poulain.

Si cela n'est pas fait d'une manière adéquate, vous prenez le risque que votre poulain développe un ou plusieurs des comportements suivants :

  • le poulain ronge le bois de son box durant les 3 mois suivant le sevrage
  • activité anormale de la zone buccale : bouche laissée ouverte, dents serrées, au cours du mois suivant le sevrage
  • apparition de stéréotypies telles qu’un mouvement rythmique de la tête, du cou, des membres antérieurs ou postérieurs, une panique en courant, lors des 10 mois suivant le sevrage

Les raisons pour lesquelles les poulains sont sevrés dès l'âge de 6 mois sont le plus souvent basées sur l'habitude, la tradition, parfois sur des suppositions erronées. Dans la nature, cependant, ce processus est pourtant bien différent…

 

 

 


 

Le sevrage naturel à l’état sauvage

Le sevrage est une période clef pour le poulain, mais en même temps incertaine chez nos chevaux domestiques. A tel point que la question du stress et de son importance, fait l'objet d'études scientifiques afin de savoir s’il est possible de le réduire, et comment.

Les chevaux vivent à l'état sauvage dans des groupes sociaux composés d'un étalon, de plusieurs juments et de leur progéniture. Pour les poulains qui grandissent dans la nature, la phase de sevrage dure environ 10 mois, et se déroule en plusieurs étapes.

De l’importance de la mère jument

A l’état sauvage, ils sont alimentés par le lait maternel, et ce jusqu'à la naissance des poulains de l'année suivante. Cette période peut aussi s’étendre jusqu’à l’âge de deux ans, quand par exemple la jument n'est pas en gestation, ou si elle perd son poulain de l’année d’après. Il n'est pas rare non plus qu’un poulain âgé de deux ans vienne de temps à autre, parfois en compagnie de son frère (ou de sa sœur) cadet de l’année suivante, téter le lait maternel. Sa mère jument est son partenaire social le plus important pendant toute la période où il ne mange pas encore d'aliments solides.

Le sevrage naturel : un processus progressif

De la naissance au sevrage, la puissance de succion du poulain diminue progressivement, si bien que la jument et son petit parviennent à s'adapter doucement au changement. D’ailleurs, en parallèle, la jument réduit petit à petit sa production de lait, tandis que la digestion du poulain s’oriente de plus en plus vers l'assimilation d’aliments végétaux moins nutritifs que le lait maternel. Vers l’âge de 10 à 12 semaines, le poulain se met en recherche d’autres apports alimentaires que le lait maternel, et commence à manger de la nourriture solide, de l’herbe avant tout. En même temps, il apprend à créer des liens sociaux avec les autres membres du troupeau, se détachant ainsi progressivement de sa mère. Les nouveaux contacts sociaux avec les autres membres du troupeau facilitent le sevrage des poulains, et leur permettent de gagner en indépendance jusqu'à leur détachement définitif ; celui-ci a normalement lieu aux environs de la date de naissance du prochain petit frère (ou petite sœur).

La séparation soudaine est rare dans la nature

Les jeunes étalons sont généralement chassés lorsqu'ils atteignent leur maturité sexuelle, les juments quant à elles restent dans le groupe familial pendant longtemps, souvent à vie.

Dans la nature, seule la mort de la jument entraînera une séparation soudaine d’avec son petit. Car sans protection de celle-ci, un poulain n’a que très peu de chances de survivre au delà de sa première année de vie.

Au final, on peut dire que le sevrage naturel contraste fortement avec le sevrage que l’homme impose aux poulains.


 

Quand et comment effectuer le sevrage ?

A quel âge effectuer la séparation entre la jument et son poulain ?

Les poulains ne doivent pas être séparés de leur mère avant leur sixième mois de vie. 6 mois correspondent au temps minimal qui leur est nécessaire pour prendre de l’autonomie par rapport à leur mère. Généralement, ils sont à ce moment-là déjà habitués aux aliments concentrés, de telle sorte que l’arrêt complet du lait (après la séparation) ne sera pas aussi difficile pour les petits que cela pourrait l’être.

L’objectif : une croissance régulière et continue

Le stress et l’angoisse de séparation se manifestent souvent par une agitation et un manque d'appétit chez les poulains. Par conséquent, une perte de poids peut se produire dans les premiers jours qui suivent le sevrage. Votre poulain aura simplement besoin d’un peu de temps et de repos pour pouvoir accepter sa nouvelle situation de vie : laissez-lui ce laps de temps.

Un bon développement ne consiste pas en une croissance soudaine et rapide, mais au contraire en une croissance régulière, progressive et continue. De cette façon, vous réduirez les risques de problèmes osseux.

Les poulains souffrent souvent d'irritation de la muqueuse gastrique

Une étude de l'Université de médecine vétérinaire de Hanovre a montré grâce à des gastroscopies qu'environ la moitié des poulains, avant le sevrage, présentaient déjà des maladies de la muqueuse gastrique. Après le sevrage, ces affections de la muqueuse gastrique ont même augmenté de manière significative. Les poulains les plus concernés étaient ceux de rang inférieur, et ceux qui n’avaient pas été intégrés tout de suite dans le groupe. De longs transports, ainsi que des maladies antérieures, peuvent également favoriser ces problèmes de muqueuse gastrique. Les premiers signes chez les poulains se manifestent par une prise de poids inappropriée, un pelage terne et hirsute, des dents qui grincent, un retroussement de la lèvre supérieure, des éructations, ou des coliques post-prandiales (survenant après s’être alimenté).

Ne laissez pas votre poulain seul pendant le sevrage

Retenez que le sevrage est avant tout un stress pour votre poulain. Il convient donc de le préparer au mieux à cette période critique. Peut-être connaissez-vous l’adage qui dit qu’une souffrance partagée est diminuée de moitié ? Et bien, cela s’applique assez bien dans le cas du sevrage des poulains. Veillez donc à ce que votre poulain ne soit pas seul lors de son sevrage, mais plutôt avec d’autres amis afin qu'il s'habitue à grandir en compagnie d’un groupe social connu.

Vous cherchez une nourriture adaptée à votre poulain ?


 

Une alternative au sevrage abrupt

Le concept : introduire le poulain et sa mère dans un groupe de chevaux

Vous pouvez copier les mécanismes à l’oeuvre dans la nature et introduire votre poulain dans un groupe de chevaux d'âges différents, dans lequel vivront ensemble des mères juments, les poulains, de jeunes chevaux déjà sevrés ainsi que d’autres animaux plus âgés.

L'avantage principal de cette méthode est que ce sont les chevaux adultes qui vont éduquer les plus jeunes. Une alternative serait de constituer un troupeau avec de jeunes chevaux de même âge et de même sexe. Mais vous prenez le risque d’être confrontés à des chevaux trop rebelles ou à des poulains sous-alimentés.

Comment mettre en place cette forme de sevrage ?

Commencez par habituer toutes les juments qui ont des poulains les unes aux autres, puis amenez-les dans le groupe élargi. Les poulains vont apprendre à se connaître pendant au moins trois semaines, en jouant, en se bagarrant, et ainsi, ils ne seront pas seuls pour faire leurs premiers pas.

Vous constaterez rapidement le bénéfice principal de cette méthode : les juments vont aussi éduquer les poulains des autres ! Par exemple, si un poulain âgé d'un an est trop rebelle au sein du groupe, il sera remis à sa place par les juments adultes.

Une méthode efficace pour la socialisation et accompagner le processus de séparation

À leur arrivée dans l’enclos où se trouve le groupe, il peut arriver qu’une mère jument galope de joie en tête de horde et oublie momentanément son poulain. Ce dernier, désemparé, restera alors vraisemblablement en retrait et hennira de désespoir pour attirer l’attention de sa mère. Mais il ne restera pas en berne, car après quelques jours en compagnie du groupe, il aura déjà fait ses premières excursions, comme un grand, avec d’autres membres de la horde domestique.

Puis plus le temps va passer, et plus le lien va se distendre : vous remarquerez que votre poulain sera moins souvent avec sa mère. Vous pourrez donc laisser en l’état ce groupe mixte, constitué de poulains, de juments et de jeunes chevaux, jusqu'au sevrage des poulains. Ensuite, il sera temps pour les mères juments de quitter le troupeau. Certaines d'entre elles étant en effet de nouveau pleines, elles auront besoin de toute leur énergie pour le poulain à venir. Les jeunes chevaux pourront alors rester entre eux.


 

Alimentation : comment bien sevrer votre poulain ?

Des besoins élevés en protéines

Les poulains auront une forte demande énergétique pendant, et après la période de sevrage. Les protéines sont également nécessaires à leur croissance. Mais il est important de signaler que pendant le sevrage un jeune poulain a un besoin protéique plus important que énergétique. Plus tard, cela s’inversera : les besoins énergétiques augmenteront et les besoins en protéines diminueront. Pour un poulain, le sevrage représente, par le changement d'alimentation qu’il implique, une contrainte extrême, du fait du retrait du lait maternel si riche en nutriments.

Une alimentation complémentaire est nécessaire

En raison de la privation de lait maternel, il va manquer au poulain en sevrage, l’apport nutritionnel qualitatif spécifique contenu dans ce nectar de croissance, notamment les acides aminés (lysine, méthionine). Par ailleurs, en automne, il y a de moins en moins d'herbe disponible, tant en quantité qu’en qualité. Les poulains étant généralement sevrés en automne, l'herbe ne leur fournit plus assez de nutriments essentiels à leur croissance et à leurs besoins énergétiques. De nombreux éleveurs ne s’y trompent pas : une alimentation complémentaire devient donc une nécessité.

Des aliments concentrés au bon dosage

Il faut bien les doser et ne pas en abuser ; mais bien utilisés, des aliments concentrés bien choisis peuvent être utilisés avec succès chez les poulains en sevrage. De plus, si vous les avez déjà habitués à recevoir des aliments concentrés pendant le sevrage, ceux-ci leur apporteront de la stabilité lors de la période suivant la séparation avec leur mère. En effet, ils retrouveront une activité qu’ils connaissent déjà, bonne à la fois pour leur croissance et leur équilibre énergétique. Les acides aminés essentiels sont très importants jusqu'à l'âge de 9 mois.

Un mauvais dosage a des effets néfastes sur sa santé

Veillez à lui fournir un bon dosage d'aliments concentrés et adapté à ses besoins.

En cas de surdosage

Attention de ne pas donner en trop grande quantité ces aliments concentrés. Une surdose peut avoir des conséquences néfastes, telle qu’une croissance précoce, ou un retard de la maturation osseuse. Elle peut aussi avoir des effets sur le système hormonal du poulain, favoriser les ulcères gastriques ou encore l’apparition de stéréotypies, comme le tic à l’appui (le cheval plante son incisive sur la mangeoire ou la porte de son box et contracte les muscles de son encolure, ce qui va produire un son semblable à une éructation, et endommager fortement ses incisives). Par ailleurs, les poulains risquent de prendre trop rapidement du poids, ce qui finit par solliciter négativement leurs articulations.

En cas de carence

Il est rare dans nos conditions alimentaires d’être confronté à des carences énergétiques chez les poulains. Mais si cela était, il en résulterait un retard de croissance, un développement osseux et articulaire déficitaire, des modifications du sabot et un affaiblissement du système immunitaire. Par manque de nutriments essentiels, votre poulain sera moins désireux de bouger, son développement musculaire sera insuffisant ; bref, son métabolisme et son état de santé en général ne seront pas optimaux.

Favorisez les aliments minéralisés !

Il convient donc de lui fournir une alimentation assurant un équilibre optimal, et contenant des minéraux et des vitamines. Ses besoins en calcium, phosphore, vitamine D, oligo-éléments et autres substances vitales sont nettement plus élevés que ceux d'un cheval adulte . Puis ils diminueront progressivement au cours de ses premières années de vie. Privilégiez donc des aliments minéraux dans son alimentation complémentaire.